la colonisation française et espagnole au maroc



Les protectorats français et espagnol du Maroc 

Le Maroc est le seul pays du Maghreb (et du monde arabo-musulman) a avoir été occupé par deux puissances étrangères lors de la période coloniale : la France et l’Espagne. Même si l’occupation ne fut pas aussi longue (44 ans) que pour la Tunisie (75 ans) et l’Algérie (132 ans), l’histoire parait toute aussi chargée. Par exemple, dans tout le Maghreb colonial, ce ne fut qu’au Maroc qu’eut lieu une véritable guerre entre la puissance colonisatrice et le pays colonisé (la Guerre du Rif, 1921-1926). Même s’il faut attendre les protestations populaires contre le Dahir berbère en 1930 pour qu’une véritable résistance politique et intellectuelle se structure. Les figures du nationalisme marocain de l’époque seront des personnages clés dans le Maroc fraichement indépendant. Bien entendu, tant de faits méritent des études à part les uns des autres, mais il ne s’agira ici que d’un rapide survol, un résumé des faits.

Le Traité de Fès et la « pacification » du pays

Le traité de Protectorat français, signé à Fez le 30 mars 1912, s’appuyait en fait sur l’article 8 de la déclaration franco-britannique du 8 avril 1904 (Entente Cordiale), laquelle stipule entre autres une concertation logique entre le France et l’Espagne (qui n’a pas encore officialisé son protectorat sur les zones d’influence qui lui sont déjà dévolues). Les régions comprises dans ces zones d’influence (au Nord, de l’embouchure de la Moulouya sur la Méditerranée à celle du Loukkos sur l’Atlantique, exception faite de l’enclave réservée au futur territoire de la zone de Tanger ; — au Sud, du cours inférieur du Drâ à la colonie du Rio de Oro), devaient rester officiellement selon le traité du Protectorat (ce n’est bien entendu qu’un leurre) sous l’autorité civile et religieuse du Sultan, et seraient « administrées, sous le contrôle d’un Khalifa pourvu d’une délégation générale et permanente du Sultan, en vertu de laquelle il exercera tous les pouvoirs appartenant à celui-ci » [1].
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Le sultan alaouite Moulay Hafid (1976-1937), qui a signé le traité du protectorat français. Ici buvant avec des dignitaires français.
Le traité signé, il fallait s’installer de manière solide dans le pays. Cette tâche sera attribué au premier Résident général français du Maroc, Hubert Lyautey. Le futur ministre de la Guerre et Maréchal de France cherchera à réaliser des alliances avec les caïds et chefs des tribus et des confédérations. S’il réussit à Marrakech où le pacha Glaoui mène la soumission de la région au nom du pouvoir colonial, beaucoup d’autres régions n’acceptent pas de se soumettre. Régions qui sont alors conquises par la force tout au long de l’année 1914 notamment (Moyen Atlas, Anti-Atlas). Chacune des deux puissances coloniales avait mené ses guerres de conquête militaire sur le territoire prévu par le traité franco-espagnol de novembre 1912, en vertu duquel elles se sont partagées les zones territoriales d’influence dans le nord et le sud de l’Empire chérifien. Si le traité de Protectorat espagnol au Maroc est signé le 27 novembre 1912, ce n’est pas cette année qui marque le début de la véritable pénétration espagnole dans le pays. C’est la suivante. Il faut attendre en effet février 1913 pour que les Espagnols installent à Tetuan leur premier Haut Commissaire, le Général Alfau, et pour qu’ils fassent désigner, comme Khalifa, par le Sultan Moulay Youssef, son propre frère, Moulay El Mehdi. Leur installation militaire est alors des plus délicates. Car, le puissant Caïd el Raissouli, qui tient le triangle Larache-El Ksar-Xaouen, donne l’impression d’être très versatile, tantôt s’alliant tantôt s’opposant. Dans les années qui suivent, la Première Guerre Mondiale verra l’Espagne rester dans l’expectative, les germanophiles espagnols prédisant une victoire allemande et donc un rôle rapidement amoindri de la France au Maroc. L’armistice de 1918 est donc une nouvelle assomante pour eux. L’Espagne n’avait pas non plus pu profiter du conflit pour étendre son influence au Maroc aux dépens de la France trop occupée sur les champs de batailles européens, car cette dernière était restée d’une remarquable vigilance, minutieuse même. Par exemple, dans la période 1915-16 avaient été conclus, entre Paris et Madrid, toute une série de conventions techniques ayant pour objet de régler les relations postales, judiciaires et autres de zone à zone. Chose qui prouve que la France réussit au coeur du conflit à s’occuper de façon pointilleuse de son protectorat marocain.

La Guerre du Rif

Si la France réussit efficacement à pacifier sa zone de protectorat, l’Espagne bute (voire culbute) contre un grave problème. Un fiasco même, vu qu’elle est vaincue en juillet 1921 à Anoual, sur la route d’Ajdir par les troupes rifaines d’Abd el-Krim. L’armée espagnole du Général Sylvestre s’était éloigné de Melilla sans assurer suffisamment ses arrières, elle perd quelques 20 000 hommes. Le général se serait suicidé sur le champ de bataille. Commence alors une période trouble pour l’Espagne, les Espagnols se sentant humiliés, préférant appeler la bataille désastre plutôt que défaite. Quant à Abd el-Krim, il est auréolé de gloire, les médias étrangers s’intéressent à lui, et son prestige national est à son firmament. De plus, de cette victoire d’Anoual, il retire en plus un impressionant trésor de guerre provenant du rachat, à prix d’or, de quelques 1500 prisonniers, et bien entendu de tout le matériel de guerre pris à l’ennemi.
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Photo de 1923 sur laquelle posent Abd el-Krim et Horacio Echevarrieta, riche homme d’affaires espagnol qui négocia le rachat des prisonniers espagnols.
Le retentissement de cette défaite est donc spectaculaire en Espagne. Une humiliation profonde est ressentie. En avril 1922, le comte de Romanoes appele à Seville à une entente entre le France et le Maroc pour mieux soumettre le pays. Mais, l’appel reste longtemps sans véritable réponse. car, deux ans plus tard, Abd el-Krim réussit à contraindre les Espagnols, au printemps de 1924, à reculer leur ligne de défense jusqu’aux avancées de Tetuan. Un an exactement plus tard, il essaie même de se frayer un chemin vers Fès pour y détrôner "le Sultan des Roumis" (ainsi qu’appelle une partie de la population marocaine le sultan alaouite à l’époque). Lyautey, sûrement paniqué, demande des renforts militaires dans le splus brefs délais. L’aggravation, aussi rapide qu’inquiétante, de la situation rend nécessaire la réunion d’une conférence franco-espagnole qui se tient à Madrid en juin-juillet 1925. Une conférence militaire entre le général Primo de Rivera et le Maréchal Pétain (Le Maréchal Lyautey avait donné sa démission quelques mois plus tôt à l’annonce de l’appel aux services de Pétain) a lieu à Madrid, en février 1926, pour y convenir des objectifs et des moyens d’exécution d’une offensive de printemps. Se doutant de ces préparatifs, Abd el-Krim dépêche des émissaires pour faire dire sa volonté à négocier dans la paix. Des négociations ont en effet lieu, c’est la conférence d’Oujda, mais, ouverte le 22 avril, elle se termine le 7 mai sur un échec total. Abdelkrim va d’ailleurs d’échec en échec, vu que bientôt il doit faire face à la défection de l’importante tribu des Béni Ouriagel. Conscient de sa faiblesse, soucieux de préserver des vies humaines, le « Vercingétorix berbère » (dira Robert Montagne [2]) fait, le 26 mai, sa soumission au Colonel Corap. L’affaire du Rif se termine à Paris en une sorte d’apothéose. Le Général Primo de Rivera et le Sultan Moulay Youssef, venus inaugurer la Mosquée de Paris (place du Puits de l’Ermite), assistent, aux côtés du Président Doumergue, à la revue du 14 juillet sur les Champs Elysées.
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Le Sultan Moulay Youssef à l’ouverture de la mosquée de Paris, le 2 aout 1926.

Le Dahir berbère et les débuts du « nationalisme » marocain

Le Dahir berbère est devenu le symbole de l’ingérence française au Maroc. Décret signé le 16 mai 1930, il visait à retirer les populations berbères [3] vivant en milieu rural de l’influence de la législation islamique, pour les soumettre directement à la législation de la République française. La lutte qu’il a engendrée très rapidement contre lui mit sur le devant de la scène des militants nationalistes appelés à jouer un rôle majeur dans l’histoire des prochaines décennies. Pour revenir au Dahir berbère, il faut dire qu’avant même sa publication, un jeune homme de Salé, Abdellatif Sbihi, apparenté au Pacha de la ville (il avait fait des études de notariat à Salé puis était parti continuer ses études à Paris à l’INALCO, avant de revenir au Maroc travailler dans le service de traduction de la Résidence), apprend début mai 1930 l’existence du dahir et en parle autour de lui à Salé. Les esprits s’échauffent, mais il faut attendre le 24 mai et la publication dudit dahir dans le Bulletin officiel, en arabe et en français, pour que les conséquences commencent à se faire sentir. Début juin, beaucoup de mosquées (notamment à Fès) essaiment un sentiment de violente répulsion vis-à-vis de ce dahir. Un mois plus tard, la venue de Chakib Arsalan à Tanger et Tétouan et sa rencontre avec des lettrés des deux villes contribuent à l’amplification du mouvement de protestation. Mouvement qui ne s’arrêtera qu’en 1934, année durant laquelle un nouveau dahir réformera, quoique très légèrement, celui de 1930. Il faut dire que les « Berbères » sont restés sous la juridiction dudit dahir jusqu’en 1956, les protestations n’ayant donc pas porté leurs fruits. Les nationalistes marocains commencent alors à demander des réformes et à ce que le traité du Protectorat soit respecté plus fidèlement. Il n’y a donc pas encore de demande d’indépendance, de demande de départ de la présence française. Le fait que les Alaouites soient du côté de la Résidence générale française y est bien entendu pour quelque chose, les Marocains n’osant pas se mettre et contre l’occupant français et contre la dynastie régnant encore symboliquement sur le pays. Concernant l’époque de publication du Dahir berbère, il est intéressant de signaler ces remarques de l’historien Mustapha El Qadéry [4] :
En 1928, la conversion au christianisme d’un fils de notable de Fès, adjoint du Pacha, Ben Abdeljalil a mis le microcosme notabiliaire face à une rude épreuve. Ce fût un séisme : il a secoué les « évolués », parents et fils de l’école qui se sont trouvés face à l’« acte fou » de l’un des plus brillants des leurs doté d’un fort capital social et culturel. Curieusement, aucune autobiographie des « nationalistes » ne s’arrête sur cet événement et son impact dans les « esprits » des « évolués » comme du petit peuple de Fès, qui avait reconnu le « Sultan du jihad » contre le Roumi en 1908. Cet événement qui passe aujourd’hui inaperçu dans la vulgate sur le Maroc est révélateur d’une amnésie collective. Peut-on négliger une telle piste alors que le thème de l’évangélisation est collé au dahir berbère qui pourtant n’en est pas le porteur ? Une telle association est à étudier...
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Le jeune sultan Sidi Mohamed, futur Mohamed V, que les Français imposent en 1927, qui signe le Dahir berbère le 16 mai 1930.

Les années trente et la Seconde Guerre mondiale

L’influence de l’émir Chakib Arsalan, depuis Génève, sur les leaders marocains est un secret de polichinelle. C’est sa vision de l’idéal de la nation arabe qui influence le plus Balafrej et ses compagnons. D’un autre côté, la première ligue nationaliste à s’affirmer est le C.A.M. (Comité d’Action Marocaine) en 1933, porteur d’un « Plan de Réformes Marocaines » auprès du gouvernement français et du sultan en 1934, influencé lui non seulement par Chakib Arsalan mais surtout par des compagnons de route français initiateurs de la revue Maghreb (Jean Robert Longuet, Daniel Guérin). Ce club qui tourne à la ligue en s’étoffant numériquement se scinde en 1937 en deux partis : le Parti national pour le triomphe des réformes sous l’égide d’Allal el Fassi et le Mouvement populaire sous celle de Mohamed el Ouezzani. Ce sont ces deux formations qui dominent l’activisme politique marocain de l’époque. Celle de Allal el Fassi étant, selon la personnalité de ce dernier (ayant fait ses études à l’université traditionnelle Qarawiyyîn de Fès), plus dirigée vers le nationalisme arabe de tendance égyptienne. Tandis que la formation de Mohamed el Ouezzani, selon la personnalité de ce dernier (ayant fait ses études à Paris), étant plus penchée vers une modernité occidentale à la française [5]. A la même période, en juillet 1936, le pronunciamiento du Général Franco, qui trouve au Maroc ses bases logistiques et le soutien total du corps d’occupation, pose pour le Gouvernement Léon Blum et la Résidence générale, un embarrassant cas de conscience.
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Le général Francisco Franco, qui est investi des pleins pouvoirs le 1er octobre 1936
Ces différentes préoccupations se retrouvent dans une fatwa qu’à la demande du Général Noguès le Sultan Sidi Mohamed lance à son peuple le 6 septembre 1936. Il y exprime sa tristesse de voir des luttes intestines déchirer un pays ami, chargé par les traités d’exercer son influence sur certaines parties de son Empire. Il déplore que certains de ses sujets s’y soient trouvés mêlés, non pour défendre le gouvernement espagnol contre une agression extérieure, mais pour servir les entreprises de ses adversaires politiques. Car, il faut dire que la position prise par le gouvernement Léon Blum avait paru entrainer le Protectorat dans une politique hostile au mouvement franquiste. D’ailleurs, à Rabat, le Consul Général Onitveros y La Plana et la plupart des agents sous ses ordres se rallient au Franquisme et démissionnent avec éclat. En février 1939, les accords Bérard-Jordana, portant reconnaissance du régime franquiste et affirmant, en particulier, une volonté réciproque de "pratiquer au Maroc une politique de franche et loyale collaboration", entraînent, automatiquement, l’abrogation des dahirs d’exception et le rétablissement de relations normales entre les deux zones (française et espagnole). Mais, six mois plus tard à peine, commence la seconde guerre mondiale, avec, pour conséquences, la proclamation de l’état de siège en zone française, l’institution du contrôle des changes, de sévères restrictions à la circulation des personnes et des biens. Très loyalement, le Sultan Sidi Mohamed exprime au Conseiller du Gouvernement chérifîen qu’une démarche soit faite à Madrid, pour y demander l’assurance que la zone espagnole ne puisse être utilisée "par les ennemis de la France, qui sont aussi les nôtres". Les conséquences politiques et idéologiques de la seconde guerre mondiale se font très vivement sentir sur l’échiquier marocain. Les règles du jeu restent pourtant les mêmes : Algésiras, Protectorat français, zone d’influence espagnole. Mais leurs conditions d’application se trouvent profondément modifiées du fait des ruptures d’équilibre survenues entre les forces respectives des parties intéressées. Lors du débarquement américain au Maroc, le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef, refuse de quitter Rabat pour Fès, enfreignant les consignes du Résident général. Le 9 novembre, il demande à Noguès de cesser le combat, afin d’épargner un sang inutile, devant des forces invincibles qui viennent en amis. Fidèle à ses aspirations, le sultan s’affirme ainsi comme le représentant d’un peuple acquis à la cause des Alliés.
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Les péniches de débarquement déversent sur les plages du Maroc des soldats américains, novembre 1942.
Les nationalistes marocains, jusque là modérés dans leurs revendications, réclament l’indépendance du Maroc dès le 11 janvier 1944, dans le Manifeste du Parti de l’Istiqlal. Pour autant, l’attitude du sultan et du Maroc à l’égard de la France reste la même jusqu’à la fin du conflit

Vers l’indépendance

La plupart des dirigeants officiels de l’Istiqlal ont été emprisonnés ou exilés à partir de 1952. De son côté, Abdelkhalek Torres est expulsé de Tetouan vers Tanger par les Espagnols. D’autre part, l’exil de Mohamed V influence les rapports entre le sultan et le parti. Jusqu’alors, le mouvement nationaliste n’était pas soumis au sultan. Après le 20 août 1953, date de déposition du sultan, ce dernier devient le symbole du nationalisme et son retour constitue un préalable politique pour le Mouvement. Le 21 janvier 1954, le Général Valino organise, sur l’hippodrome de Tetuan, un rassemblement monstre de Caïds et de Notables, pour protester, dans une adresse au Général Franco, contre la déposition du sultan, signe de la mésentente entre les deux zones espagnole et française au Maroc. A la conférence d’Aix-les-Bains, les dirigeants nationalistes sont encore les principaux interlocuteurs du gouvernement français. Mais ils ne sont plus en mesure de confisquer l’indépendance à leur profit. Très vite, d’ailleurs, devant la montée des périls, les négociateurs français en viendront à penser que le retour de Mohamed Ben Youssef est le seul moyen de contrôler la situation. Mohamed Ben Arafa, nommé sultan à la place de Mohamed V, étant extrêmement impopulaire.
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Allal Ben Abdallah s’attaquant le 11 septembre 1953 au cortège officiel conduisant le sultan Mohamed Ben Arafa
En septembre 1955, le général Georges Catroux part rencontrer le sultan déposé Mohamed Ben Youssef à Madagascar. Du 2 au 6 novembre 1955, après son retour en France et l’abdication de Mohammed Ben Arafa le 1er, Mohammed Ben Youssef signa avec le président du conseil des ministres français, Antoine Pinay, les accords de La Celle Saint-Cloud qui mettaient en place le processus de transition vers l’indépendance. Il pardonna aussi au Glaoui, venu se prosterner à Saint-Germain-en-Laye une semaine après avoir réclamé sa restauration.
Le 16 novembre 1955, il fit son retour au Maroc avec son jeune fils, le prince Moulay Hassan et fut accueilli triomphalement par la population marocaine. Le 2 mars 1956 prenait fin le protectorat français tandis que l’Espagne mettait fin au sien le 7 avril.
                         par : le fiére du maroc

Le Maghreb pendant la colonisation française


La France s'empare du Maghreb

Après la prise d'Alger en juillet 1830, la France s'installe sur les côtes algériennes. De 1840 à 1857, par une guerre impitoyable, l'armée française brise la résistance des Maghrébins dirigés par l'émir Abd el Kader (1847) puis « pacifie » les régions intérieures. Dès 1840, l'Algérie reçoit des vagues de colons français : émigrés volontaires, déportés politiques de 1848 et 1852, Alsaciens-Lorrains à partir de 1871.

Dans la première moitié du xixe siècle la France soutient les tentatives des beys de Tunis de se rendre indépendants du sultan turc d'Istambul. Les puissances européennes financent également les efforts de modernisation de la Tunisie entrepris par les beys. L'endettement important qui en résulte, permet à ces puissances de mettre la Tunisie sous tutelle financière. Au Congrès de Berlin (1878), la France obtient le soutien du Royaume-Uni et de l'Allemagne pour intervenir en Tunisie. Il s'agit de contrer les visées italiennes sur le pays et de priver de refuge les rebelles de l'Est-algérien. L'invasion de la Tunisie en avril 1881 et le bombardement de Tunis révolté en juillet 1881, oblige la Tunisie à accepter le protectorat français (Traité du Bardo en 1881 et convention de La Marsa en 1883).

L'installation des Français en Algérie provoque une vague de xénophobie et une volonté de repli au Maroc. En 1860, les victoires espagnoles et l'importante indemnité de guerre consécutive fragilisent le Maroc, dont le sultan (le roi) ne contrôle réellement que le tiers du territoire. En 1904, l'Espagne, la France et le Royaume-Uni s'entendent pour se partager le royaume. L'intervention spectaculaire de l'Allemagne (en mars 1905, visite de l'empereur Guillaume II à Tanger où il garantit l'indépendance du Maroc) aboutit aux accords d'Algésiras (1906) qui place le Maroc sous contrôle international. En 1907, pour répondre à divers incidents la France occupe Casablanca et Oujda. La convention franco-allemande de février 1909, tout en maintenant l'unité du royaume, organise un partage économique. Après le grave incident militaire franco-allemand d'Agadir, la nouvelle convention franco-allemande de novembre 1911, laisse la France contrôler le Maroc, ce qui aboutit au protectorat en 1912. Par la même occasion l'Espagne reçoit le Rif marocain et la zone d'Ifni au sud.

La constestation de la domination française 

Au Maroc, la présence des Espagnols et des Français est combattue, de 1921 à 1926, par Abd el-Krim qui organise la guerre du Rif. À partir de 1930, la volonté de la France d'implanter sa propre administration, de diviser les populations arabes et berbères (en 1936, les Berbères sont soustraits à la juridiction traditionnelle musulmane) déclenche l'agitation nationaliste dans les milieux étudiants et les villes traditionnelles. La défaite française de 1940, l'occupation anglo-américaine de l'Afrique du Nord à partir de 1942, affaiblissent le prestige de la France et favorise la création d'un parti nationaliste l'Istiqlal qui réclame l'indépendance. La France, représentée au Maroc par des résidents généraux recrutés parmi les militaires, réprime durement les soulèvements de Rabat, Salé et Fès. Elle encourage la dissidence d'un grand féodal marocain, le glaoui de Marrakech. En 1953, la France dépose et envoie en exil le roiMohammed V et le remplace par un sultan fantoche. Mais le terrorisme s'aggravant, la France et l'Espagne doivent accorder l'indépendance au Maroc en mars-avril 1956.


En Tunisie, la France chargée de réorganiser l'administration locale y substitue, à partir de 1910, l'administration directe. Le mouvement nationaliste réclamant l'autonomie ou l'indépendance s'organise dès 1907 avec le Mouvement des Jeunes Tunisiens, se renforce en 1920 par la création du parti Destour. Ce dernier se divise en 1934 avec la scission du Néo-Destour dirigé par Habib Bourguiba. Ce dernier est arrêté plusieurs fois (1934, 1938 et encore en 1952). En 1940, malgré les ambitions de l'Italie fasciste, la Tunisie reste sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Après le débarquement des Anglo-Américains en Afrique du Nord (novembre 1942), la Tunisie est occupée par les Allemands qui en sont chassés en mai 1943. La Tunisie est alors dirigée par les différents gouvernements du Général de Gaulle, qui en mars 1944, maintiennent le protectorat sans céder aux revendications du Néo-Destour. La lutte pour l'indépendance reprend, animée par le Néo-Destour et le syndicat UGTT. Le terrorisme progressant, en 1954 la France promet l'autonomie, puis en 1955, elle permet aux Tunisiens de s'occuper de leurs affaires intérieures. En mars 1956, la Tunisie retrouve son indépendance.

L'Algérie est une colonie de peuplement et a une administration départementale. Sous la Troisième République, les colons européens parviennent à maintenir les populations arabo-berbères en position d'infériorité politique (les administrateurs sont imposés dans les communes à majorité musulmane, les droits politiques sont restreints aux seuls combattants survivants de la Première guerre mondiale). Les trois quarts des colons vivent en ville. Or avec ses huit millions et demi de personnes, la population arabo-berbère est huit fois plus nombreuse que les colons et surtout progresse très vite (augmentation de 550% entre 1926 et 1954). Le mouvement nationaliste apparait tardivement (en 1927 Messali Hadj crée l'Étoile nord africaine). De plus, il se divise vite. Le Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj (devient MTLD en 1946) veut l'indépendance et la révolution sociale. La Fédération des élus indigènes de Ferhat Abbas (devient UDMA en 1946) réclame l'assimilation et la nationalité française pour tous les Algériens puis la la création d'un état algérien autonome par rapport à la France. En 1945, de violentes émeutes se déroulent à Sétif et Guelma, elles sont réprimées durement (on estime qu'il y a eu au minimum 5 000 morts). En 1947, la Quatrième Républiqueréforme le mode de représentation de la population de l'Algérie (représentation à égalité des 900 000 colons européens et des 8 millions d'arabo-berbères), ce qui mécontente tout le monde. Les plus radicaux des nationalistes passent alors à la lutte armée. L'insurrection algérienne débute le 1er novembre 1954. Elle dure jusqu'en 1962 et aboutit à l'indépendance de l'Algérie.

Quand le Maroc était Chrétien


Le christianisme est attesté en Afrique du Nord à partir du IIème siècle. Il est vraisemblablement arrivé avec la migration de commerçants, de soldats, peut-être de missionnaires venus de l'Empire romain. Le premier document qui nous informe de cette présence chrétienne est constitué par les “Actes des martyrs scillitains”, qui rapportent la condamnation à mort, en juillet 180, d'une dizaine de chrétiens de la ville de Scillium (l'actuelle Kasserine, en Tunisie) qui ont refusé de participer aux cérémonies païennes romaines fondant la vie civique. Mais l'histoire du christianisme au Maghreb est d'abord liée à la personnalité du Carthaginois Tertullien. Né païen, baptisé vers l'an 195, membre de l'élite de la ville créée par les Phéniciens, il va se montrer un grand organisateur et un grand défenseur de l'Eglise d'Afrique. Il nous a laissé une œuvre écrite qui nous permet d'avoir une idée des problèmes qui se sont posés au développement de la foi chrétienne.
En ce qui concerne l'arrivée du christianisme au Maroc, on peut raisonnablement penser qu'elle a pour origine l'Espagne romaine à laquelle la Maurétanie Tingitane a été liée. C'est encore un martyr qui constitue la première preuve de cette présence : le centurion Marcellus, qui eut la tête tranchée, à Tanger en 298, pour avoir décidé d'abandonner la fonction militaire en raison de son appartenance à la foi chrétienne. Le christianisme, en Maurétanie Tingitane comme ailleurs au Maghreb, a dû se développer d'abord chez les habitants d'origine romaine. Puis il a pu toucher des Berbères latinisés (comme le sera, au IVème siècle, le grand Augustin d'Hippone) et d'autres Berbères et Maures. L'extension du christianisme a dû être assez vaste, si l'on en juge au nombre d'évêchés qu'a comptés le Maroc romain : Tingis (Tanger), Zilis (Asilah), Septem (Sebta), Lixus (Larache), Tamudem (Tétouan), Salensis (Salé)... Le site archéologique de Volubilis a livré de nombreux témoignages de la présence chrétienne : des lampes, des céramiques ornées du sigle du Christ, ou de la croix, ou encore de colombes ou d'agneaux. A Aïn Regata, près d'Oujda, on a découvert une table d'autel en marbre. A Lixus, on peut voir les traces d'une petite basilique chrétienne. Par ailleurs, il existe des traditions selon lesquelles des populations noires de la région du Draâ, près de Zagora, auraient été converties au christianisme entre le IIIème et le VIème siècles, par l'intermédiaire de noirs d'Ethiopie liés à l'Eglise copte d'Alexandrie... Vers la fin du VIIIème siècle, ceux-ci seraient rentrés en guerre avec les juifs implantés également dans cette région, qui les auraient défaits.

La Chronologie


Chronologie

• 10 000 Av. J.-C : Apparition des ancêtres directs des Berbères au Maroc.
• 1100 Av. J.-C : Les Phéniciens installent leurs premiers comptoirs commerciaux.
• 203 Av. J.-C : Massinisa fonde le royaume numide.
• 105 Av. J.-C : Bocchus 1er étend le royaume des Maures vers l'est.
• 40 Ap. J.-C : Assassinat de Ptolémée, dernier roi maure.
• 285 : Les Romains se replient et abandonnent le Maroc.
• 430 : Début de l'invasion vandale.
• 533 : Les Byzantins tentent de reconquérir le Maghreb.
• 681 : Oqba ibn Nafiî arrive au Maroc.
• 711 : Tariq Ibn Ziad débarque en Espagne.

Origines. Le juif en nous

Les plus vieux témoignages sur l'ancienneté de la présence juive au Maroc sont épigraphiques. Ce sont ceux des inscriptions funéraires en hébreu et en grec qui ont été trouvées dans les ruines de Volubilis et qui remontent au IIème siècle avant notre ère. Mais la tradition orale des juifs du Maroc fait remonter la présence juive à l'arrivée des premiers bateaux phéniciens, il y a donc plus de 3000 ans ! Durant toute une partie de l'époque phénicienne, puis durant toute la présence romaine, les villes de Chellah (Salé), de Lixus (Larache), de Tingis (Tanger) ont été très certainement des centres de négoce importants pour les juifs du Maroc, qui pratiquaient surtout le commerce de l'or et du sel. Lorsque les Vandales surviennent, ils trouvent des alliés parmi les juifs, et ceux-ci vont connaître une totale liberté de culte pendant un siècle. Mais quand, en 533, le général Bélisaire est envoyé en Afrique du Nord par Justinien, l'empereur de Byzance, pour chasser les Vandales, les juifs vont entrer dans une période très douloureuse de leur histoire. A la veille de la conquête musulmane, plusieurs tribus juives berbères sont identifiées à travers tout le Maghreb. La conquête musulmane sera pour eux une libération.

Portraits. Figures historiquesBocchus 1er

Descendant d'une lignée de rois maures qui régnaient sur une grande partie du Maroc actuel. Il réussit, en s'alliant aux Romains, à étendre son royaume et le territoire des tribus maures vers l'est au détriment de ses voisins berbères de Numidie. Après sa mort en 80 avant J-C, le royaume est partagé entre ses deux fils, Bocchus II et Bogud qui vont perpétuer la politique de l'alliance avec l'empire romain.

Juba II

Roi berbère, élevé dès son enfance à Rome sous la protection de Jules César. Réputé pour ses qualités intellectuelles supérieures, les Romains vont le nommer souverain d'Afrique du Nord, où il va rétablir la stabilité et rallier Maures et Numides autour de lui. Il épousa une jeune princesse, fille de la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et du général romain Antoine. En plus de son talent politique, Juba II était un érudit et auteur d'une œuvre scientifique considérable, selon les historiens romains. Mort en 23 après J-C, il laissa derrière lui un royaume prospère et pacifié.

Kahina

Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur cette reine berbère, où se mêlent légendes, faits historiques et volonté d'en faire le symbole de différentes causes. Chef des tribus berbères de l'Aurès, elle participa activement à la résistance face aux troupes de l'armée musulmane. Les récits et témoignages divergent sur la religion de “la prêtresse” selon le surnom donné par les Arabes : certains prétendent qu'elle était juive, d'autres affirment qu'elle était chrétienne ou païenne. Après des années de combat contre les conquérants musulmans, Kahina est tuée en 698 par le général Hassan Ibn Nouâman. Avant sa mort, elle demande à ses fils de se convertir à l'islam et de rejoindre les rangs de ses adversaires. L'un de ses fils est même nommé chef des troupes musulmanes et combattra aux côtés de ses anciens ennemis et nouveaux coreligionnaires.

Tariq Ibn Ziad

Symbole de la conversion des Berbères à l'islam et du rôle qu'ils vont jouer dans les conquêtes musulmanes, notamment en Europe. Selon les historiens, Tariq était un captif maure affranchi par Moussa Ibn Noussaïr, qui fera de lui son proche lieutenant. Moussa Ibn Noussaïr charge alors Tariq de lancer les troupes de l'armée musulmane, composée en grande partie par des Berbères, à la conquête de l'Espagne. Tariq s’acquitte brillamment de sa mission et défait en quelques batailles décisives les Wisigoths, qui régnaient en maître sur la péninsule ibérique.

Quand l’islam débarque le Magrebe


Après la mort du prophète Mohammed, les musulmans vont se lancer, tous azimuts, dans des conquêtes fulgurantes et rapides, avec des troupes légères et peu fournies en hommes et en armes. En quelques mois seulement et avec une petite armée composée de 4000 hommes, les guerriers arabes ont pu venir à bout des Byzantins en Egypte et annexer l’ancienne terre des pharaons au jeune empire musulman. Mais les choses sont différentes et compliquées au Maghreb face à la farouche résistance berbère. Pour l’armée musulmane, il a fallu plus d’un demi-siècle de combats, de raids et de négociations pour contrôler définitivement l’Afrique du Nord : autant de temps nécessaire pour conquérir la Syrie, l’Egypte, l’Iran et l’Espagne réunis ! Oqba Ibn Nafiî, personnage légendaire et combattant fervent et obstiné, symbolise la dureté de la tâche et la violence de la résistance opposée par les Berbères. Nommé par le calife Yazid en 669, Oqba s’est lancé dans une vaste offensive générale au Maghreb. Après avoir défait les Byzantins et construit Al Kairouan, la ville tunisienne, il pousse un long raid vers la pointe occidentale du Maghreb et atteint Tanger, puis chevauche jusqu’au sud du Maroc, pour arriver aux “pays des Noirs”. Selon la légende rapportée par des historiens musulmans, Oqba avança avec son cheval dans les flots de l’Océan Atlantique, ou “la mer des ténèbres” selon l’appellation arabe, et prend à témoin Dieu que s’il avait la possibilité d’étendre sa conquête au-delà de l’océan il n’aurait pas hésité à le faire. En route vers Al Kairouan, Oqba est tué, près de Biskra en Algérie, dans un combat contre la tribu des Awraba dirigée par Kousseila, le chef berbère. Après la mort de Oqba, de nouvelles campagnes militaires musulmanes sont menées au Maghreb et peu d’entre elles atteignent le Maroc. L’alliance des Byzantins et des tribus berbères a donné de la tablature aux troupes envoyées par les califes de Damas et retardé la domination musulmane sur l’Afrique du Nord. Une femme s’est illustrée dans la résistance des tribus berbères de l’Aurès, en Algérie, et a obligé les troupes musulmanes à battre en retraite. Dihiya ou Damiya, selon les sources, surnommée Kahina par les historiens arabes, est passée dans la mythologie maghrébine pour avoir fait face, jusqu’à sa mort, à l’avancée des troupes musulmanes. Mais une nouvelle et dernière offensive a été l’œuvre de Moussa Ibn Noussaïr en 704. Impétueux, fin négociateur et chef militaire déterminé, Moussa Ibn Noussaïr réussit à conquérir tout le Maroc et à convaincre les Berbères de se convertir à l’islam. La nouvelle religion adoptée par les Berbères leur offre alors un lien solide permettant de transcender les divisions locales et tribales et de cimenter les différentes composantes de la population vivant au Maroc. Beaucoup de Berbères ont intégré l’armée musulmane et participé activement et ardemment aux conquêtes menées sous la bannière de l’islam. L’un d’entre eux, Tariq Ibn Ziad, sera même chargé par Moussa Ibn Noussaïr de lancer les troupes à la conquête de l’Espagne.

Le Maroc avant l'islam


En 285, les Romains se replient et abandonnent le Maroc au profit des Vandales.L’arrivée de l’islam au VIIème siècle est un moment fondateur et essentiel dans la formation de la nation marocaine. Mais avant que les troupes musulmanes n’atteignent les frontières du Maroc, ce dernier avait déjà une identité, une histoire et une spécificité géographique et culturelle. Retour sur les origines d’un vieux pays et une très ancienne nation.
De nombreux historiens marocains aiment rapporter, avec une certaine délectation, cette anecdote qui s’est déroulée dans la cour d’un calife abbasside à Bagdad. Un courtisan, croyant flatter le calife, explique à ce dernier que le monde ressemble à un immense oiseau, dont la tête se trouve en Orient, les deux ailes se déploient au Yémen et en Syrie, le cœur est en Irak, tandis que la queue se situe à son occident, le Maghreb. Un Marocain présent à la cour du calife intervient alors pour confirmer les propos du courtisan en disant : “Oui, le monde ressemble effectivement à un paon”, allusion faite au chatouillant et bel éventail de plumes que forme la queue du paon, la partie la plus noble de cet oiseau. Le calife a souri de la remarque de son hôte marocain et l’a récompensé, pour son mot d’esprit et sa fierté nationale. Comme l’indique cette anecdote, les Marocains ont toujours eu la conviction chevillée au corps d’appartenir à une entité géographique distincte et à une culture et une histoire spécifiques. Leur pays n’est pas exclusivement berbère, arabe, musulman, juif ou africain, mais il est tout ça à la fois. Un mélange, une synthèse.


Un pays mythique
Son ancien nom, Al Maghrib Al Aqsa, l’Extrême Occident, traduit cette singularité et cette spécificité, même aux yeux des étrangers qui le percevaient comme une terre lointaine, excentrée, qui fascine et intrigue. Divers mythes et légendes expriment la curiosité que suscitait le “Far West” du monde : c’est là que vivait Atlas, le géant de la mythologie grecque, qui donne son nom à la chaîne de montagnes, condamné par Zeus, pour son insoumission, à porter sur ses puissantes épaules la voûte céleste. C’est à Tanger que Hercule a ouvert le détroit de Gibraltar en fendant d’un vigoureux coup d’épée deux montagnes, séparant ainsi définitivement l’Europe de l’Afrique. Et c’est dans cette contrée que les Atlantes, peuple mythique descendant du dieu de l’océan, se sont installés pour fonder un empire puissant qui s’étale, selon la légende, du Sénégal aux îles britanniques. L’histoire du Maroc, avant l’avènement de l’islam au 7ème siècle, démontre la spécificité culturelle et géographique du Maroc, “pays détaché de tout autre pays”, comme le décrivait Ibn Khaldoun. L’histoire ancienne démontre comment le Maroc s’est fait et formé de mélanges entre des vagues successives de races, de cultures, de religions et d’influences venant de tout horizon, et dont l’islam et l’arabité ne sont qu’une composante, essentielle et importante.

“Soukan al maghrib al awaloun”
Sans remonter à des temps immémoriaux, il est généralement admis que les premiers habitants du Maroc sont les Berbères, un ensemble de populations apparues depuis plus de 9000 ans en Afrique du Nord suite à des vagues migratoires venues du Proche-Orient. Le déplacement de groupes venant d’Orient et leur installation au Maroc constituent une caractéristique de l’histoire du pays au fil des siècles. Un autre courant migratoire préhistorique est venu de la Méditerranée pour s’agréger et se fondre aux populations venues de l’Orient, pour donner aux habitants du Maroc et du Maghreb une originalité physique et culturelle.
Dans son monumental Histoire des Berbères, Ibn Khaldoun attribue l’origine du mot “berbère” à la difficulté des dialectes parlés par les populations du Maghreb, que les différents envahisseurs n’arrivaient pas à déchiffrer et comprendre. Le grand historien explique alors que le mot “barbara” en arabe signifie des cris incompréhensibles ainsi que les rugissements du lion. Ibn Khaldoun reprend dans son explication une origine plus ancienne du mot berbère, qui dérive du mot latin Barbarus, signifiant étranger à la langue et à la culture des Grecs, et désignant aussi les populations qui vivaient en dehors de l’empire romain.
La question de l’origine des Berbères a toujours été un enjeu crucial et important, qui dépassait le cadre de la connaissance scientifique. La recherche historique a été souvent mise à contribution pour servir des ambitions politiques et forger une vision idéologique de l’identité du Maroc et de son histoire. Ainsi, de nombreux auteurs colonialistes ont voulu prouver l’origine européenne des Berbères, en recourant parfois à des acrobaties scientifiques et des arguments vaseux. La présence de groupes au teint et aux yeux clairs dans certaines zones montagneuses du Maroc a été présentée comme la confirmation que les Berbères sont des descendants de tribus celtes venant du nord de l’Europe. Cette interprétation visait à légitimer la colonisation française en trouvant une origine ethnique commune avec la population autochtone et semer la division entre les Arabes et les Berbères. La recherche anthropologique et archéologique moderne a totalement démonté et invalidé l’hypothèse de l’origine européenne des Berbères, très en vogue sous la période coloniale.

Bienvenue chez les Maures
Dans l’Antiquité, la population berbère d’Afrique du Nord était appelée “les Libyens”. Ce nom recouvrait, chez les historiens grecs et romains, une vaste entité géographique qui s’étendait sur ce qui correspond de nos jours au “Grand Maghreb”. Connus pour leurs qualités militaires et guerrières, les Libyens, ou “les Lebou”, ont pu même accéder au pouvoir en Egypte, avec le roi Chéchonq 1er, pour fonder une nouvelle dynastie de pharaons en 950 avant J.-C. Cette date est considérée comme le début du calendrier berbère.
Mais un autre nom, plus précis, est apparu chez les auteurs grecs et romains pour désigner la population qui se situe à l’ouest de l’Afrique du Nord : les Maures. On ne connaît pas beaucoup de choses, à défaut de traces et de documents écrits, sur cet essaim de tribus berbères qui habitaient sur un territoire correspondant en grande partie au Maroc actuel. D’origine phénicienne, le mot Maures signifie “les Occidentaux” et servait à distinguer géographiquement ce territoire des autres régions d’Afrique du Nord. Le nom de ce peuple aura un autre destin, quand les Espagnols vont l’utiliser, suite à la fin de la présence musulmane en Andalousie, pour désigner ce que nous appelons de nos jours les Maghrébins. Située entre l’Atlantique et oued Moulouya, la population maure était composée essentiellement d’agriculteurs, de pasteurs et de nomades. Le contact avec les Phéniciens, qui ont installé des comptoirs et des escales dans différents endroits du Maroc, a permis aux tribus maures de développer des structures politiques et administratives qui se transforment à partir du IVème siècle avant J.-C en royaume. Les princes et les hauts fonctionnaires maures utilisaient le phénicien comme langue administrative et diplomatique, tandis que les différents dialectes berbères constituaient la langue d’échange entre les populations. La chute de Carthage, qui a entraîné l’effondrement de la puissance phénicienne et l’apparition de l’empire romain, a permis au royaume des Maures d’émerger et de sortir de l’ombre. Les rois maures vont alors entrer dans des alliances complexes avec les Romains pour élargir leur territoire au détriment des autres royaumes berbères d’Afrique du Nord, et notamment les voisins numides.


Jeu de rois…
Pendant trois siècles, la dynastie des Bocchus a régné sur le pays des Maures, qui ressemblait beaucoup plus à une confédération de tribus dotée d’un chef qu’à une monarchie centralisée. La fondation du royaume des Maures et son étendue exacte demeurent peu connues en raison de la rareté et la quasi-inexistence même de documents écrits. Les quelques mentions qu’on retrouve chez des historiens romains permettent de croire qu’il s’agit d’un royaume qui s’étendait du nord du Maroc jusqu’à l’Atlas et dont l’oued Moulouya était une frontière naturelle qui le séparait de la Numidie, royaume berbère oriental, parfois allié et souvent concurrent.
Pendant longtemps, le royaume des Maures était ami et soutien des Romains dans leurs différentes luttes en Afrique du Nord. Ainsi, à la fin du IIIème siècle avant J.-C, le roi Baga a fourni à Scipion l’Africain, le célèbre général romain, des contingents de combattants pour livrer un combat final contre la puissante Carthage. La victoire des Romains sur Carthage et la destruction de cette dernière ont dessiné un nouveau visage de la Méditerranée et de l’Afrique du Nord. Un empire est né de cette victoire. L’alliance des Maures avec l’empire romain a permis à la dynastie des Bocchus d’étendre son royaume, de grignoter sur le territoire des voisins et de gagner en pouvoir et en influence. Le déclenchement d’un conflit, entre Rome et le royaume berbère de Numidie, a été une occasion saisie par les Bocchus pour étaler d’une façon spectaculaire le domaine des Maures.
C’est alors que vers 109 avant J.-C, Jugurtha, le jeune roi numide, refuse le plan proposé par Rome de partager son royaume entre différents héritiers, déclenchant ainsi une longue guerre avec les Romains. Jugurtha se tourne alors vers son voisin et beau-père Bocchus 1er, roi des Maures, pour l’aider et le soutenir dans son combat. Mais le roi maure, craignant une réaction dévastatrice de Rome et pensant d’abord à son propre intérêt politique, a fini par livrer son gendre Jugurtha à ses ennemis. La contrepartie de la trahison a été grande : Bocchus 1er a reçu des Romains toute la partie occidentale du royaume numide, qui s’étendait sur une grande partie de l’Algérie actuelle. Les nouveaux sujets des rois maures ont perdu progressivement leur ancienne appellation et le nom de leur royaume déchu, la Numidie, va disparaître pour devenir le pays des Maures.
Mais l’emprise des Romains ne cessera de grandir et leur contrôle sur l’Afrique du Nord atteindra des proportions considérables. La chute du royaume des Maures en l’an 40 avec l’assassinat de Ptolémée, le dernier souverain de la dynastie des Bocchus, a mis fin aux royaumes berbères et placé l’Afrique du Nord sous administration romaine directe.

L’exception culturelle

Pays excentré, bordé de mers et traversé par de massives chaînes montagneuses, représentant peu d’intérêt économique pour les grandes puissances de l’époque, le Maroc antique n’a subi qu’une faible influence culturelle et politique de ses envahisseurs. Les Romains, les Vandales et les Byzantins ont pu successivement occuper le Maroc et empêcher la résurgence de royaumes berbères, mais sans parvenir à marquer profondément sa composition ethnique ou opérer des transformations radicales au niveau de son identité et sa culture. Seul l’islam et les vagues successives de migration arabe réussiront à s’agréger à la composante berbère et fonder les bases de la nation marocaine. Malgré une présence de plus de cinq siècles, les Romains n’ont marqué le Maroc que d’une façon superficielle et l’impact de leur colonisation a été très ténu. La région “Maurétanie tingitane” qui correspondait au Maroc, selon le découpage administratif romain, a été moins latinisée et moins imprégnée par la culture de l’empire, que l’Algérie et la Tunisie. L’occupation romaine est restée confinée à un territoire étroit dans certaines villes comme Tingis (Tanger), Lixus (Larache) et Volubilis. On trouve alors peu de trace de monuments d’envergure que les Romains ont laissés dans d’autres pays, comme les aqueducs, les ponts ou les grandes routes. Deux mondes coexistaient dans ce contexte : une civilisation romaine cloîtrée dans quelques villes-garnisons réservées aux militaires et aux fonctionnaires venus de la métropole et une population qui a gardé intacts ses coutumes, ses traditions et ses dialectes. Les marques de la présence romaine se sont amoindries et effacées avec le rétrécissement de l’empire et l’arrivée de nouveaux conquérants. Vers 429, les Vandales, hordes de tribus germaniques dont le nom est synonyme de destruction, déprédation et pillage, ont envahi le Maroc à la recherche de terres fertiles et de ressources naturelles. Ils se dirigent après vers l’est, pour atteindre l’ancienne Carthage, et ne laissent derrière leur passage que désolation et ruines. Malgré une présence de plus d’un siècle en Afrique du Nord, les Vandales ne laisseront que peu de traces de leur passage au Maroc. Les Byzantins, héritiers de l’empire romain, essayeront de restaurer la gloire et le prestige de leurs ancêtres en partant à la reconquête du Maghreb. Mais ils n’auront que peu de réussite au Maroc et leur zone d’influence est restée limitée à Tanger et Sebta, en raison de la forte résistance opposée par les tribus berbères. Le champ était alors ouvert à de nouveaux conquérants, venus d’Orient, galvanisés par leur religion qu’ils ont pour ambition de répandre et y convertir d’autres peuples : les Arabes.

Les rois du Maroc





13. Moulay Mohammed El Yazid Ibn Mohammed (1790-1792)


14. Moulay Slimane
Ibn Mohammed (1792-1822).


15. Moulay Abderrahmane Ibn Hicham (1822-1859)



16. Sidi Mohammed IV Ibn Abderrahmane (1859-1873)


17. Moulay Hassan 1er Ibn Mohammed (1873-1894)


18. Moulay Abdelaziz
Ibn Hassan (1894-1908)



19. Moulay Abdelhafid Ibn Hassan (1908-1912)


20. Moulay Youssef
Ibn Hassan (1912-1927)


21. Sidi Mohammed V
Ibn Youssef ( 1927-1961)



22. S.M. Hassan II
Ibn Mohammed (1961-1999)


23. S.M. Sidi Mohammed VI Ibn Hassan (1999)